Libération dresse le bilan des 20 ans de Disneyland Paris

Publié le par DLRP Times

 

 

12/04/2012

 

Le 12 avril 1992, le premier Disneyland européen s'ouvrait en France à 35 kilomètres de Paris, dans un  pays dont l'américanophilie toujours chancelante ne faisait pas un  terrain d'atterrissage commode. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette naissance fut polémique. Tout y passa, de l'idéologie de Mickey au tapis rouge déployé par les pouvoirs publics français.Les premiers temps de l'ouverture ne firent d'ailleurs que décupler l'hostilité des opposants, le management 100% yankee de l'époque multipliant les bourdes sociales (mesure du diamètre des boucles d'oreilles, barbe de trois jours interdites, etc.). Et les erreurs commerciales: tarif cher, unique, sans forfaits, sans réductions.

De plus, on sentait sur place que l'équipe dirigeante se méfiait des initiatives qu'aurait cet incontrôlable personnel français: le type qui servait le pop corn ne pouvait pas prendre sur lui de fournir aussi le coca, un serveur amenait les plats sur la desserte, un autre avait le droit de les mettre sur la table. C'était comique. Le résultat ne se fit pas attendre: la première année d'exploitation fut mauvaise, le patron US renvoyé en Californie et remplacé par Philippe Bourguignon, un Français venu de chez Accor et qui savait y faire. Depuis, Disneyland Paris n'a pas cessé d'être en croissance.

Vingt ans plus tard, quel est le bilan? Sur le plan de l'exploitation, rien à dire. Une étude détaillée a été publiée le mois dernier par la délégation interministérielle au projet Euro Disney et l'établissement public d'aménagement du secteur IV de Marne-la-Vallée (Epafrance). Je ne garderai que quelques chiffres. Le site a accueilli 15,7 millions de visiteurs en 2011, et 250 millions sur les vingt ans. Il emploie 14712 personnes au 31 décembre 2010, et en a représenté jusqu'à 55000 selon les années, en comptant les emplois directs, indirects et induits. Son activité a rapporté 50 milliards d'euros de valeur ajoutée à l'économie française pendant ces vingt ans. Et celle-ci s'est déversée à 89% sur l'Ile-de-France (32% pour la seule Seine-et-Marne). 85 à 90% des employés sont en CDI.

Dans l'économie touristique française, la contribution de Disney pèse le Louvre et la Tour Eiffel à la fois, soit 6,2% des recettes annuelles en devises. En gros, l'arrivée de Disney a fortement développé un talent que la France, première ou seconde destination touristique mondiale selon les années, possède très bien. Côté balance des paiements, ce n'est pas négligeable.

C'est d'autant plus notable que parallèlement à ces résultats, la maison mère Eurodisney SCA a accumulé les pertes. Elle n'a jamais pu éponger ses investissements. L'ouverture du deuxième parc a été un échec et deux recapitalisations sont intervenues. La Caisse des dépôts est aujourd'hui le principal prêteur d'Eurodisney et la situation de la société demeure fragile. The Walt Disney Company est le seul partenaire de l'opération qui gagne de l'argent, puisqu'elle exploite. Pour les actionnaires, c'est moins brillant.

Reste le bilan en terme d'aménagement. Dans les années 1980, les gouvernements Chirac puis Fabius ont offert au projet 666 millions d'euros d'investissements public: toute la voirie d'accès mais aussi le prolongement du RER A et la gare d'interconnexion des TGV Atlantique et sud-est. Détail rigolo: dans les premières discussions, les Américains ne voyaient pas bien l'intérêt de faire arriver le TGV à leur porte. Depuis, ils ont compris. Autre avantage consenti: Eurodisney achetait un vaste foncier de 2000 hectares au prix agricole avec l'autorisation de le revendre constructible. Le parc et les cinq premiers hôtels n'occupaient qu'une centaine d'hectares. Le reste était pour les développements immobiliers à venir. Ils viendront moins vite que prévu. La crise immobilière des années 1990 gèle les ambitions américaines mais tout redémarre ensuite. L'étude chiffre que pour un euro d'argent public, dix euros d'argent privé ont été investis sur cette zone.

En fait, loin de n'être qu'un amuseur, Eurodisney SCA se veut un investisseur immobilier, un  aménageur et même un fabricant de ville. Dans la convention qui lie la firme aux pouvoirs publics français, l'aménagement de ce secteur  de ville nouvelle est mené en collaboration entre Epafrance, les collectivités et Disney. Mais il suffit d'aller sur place pour constater que l'esthétique Disney a gagné. Au centre commercial Val d'Europe, dans les lotissements des  communes de Chessy, Serris, Bailly-Romainvilliers, le pastiche est roi. Le pourcentage de logements sociaux est assuré au minimum requis par la loi (20%) mais le privé est cher et le logement intermédiaire absent.

En outre, c 'est sur ce terrain immobilier qu'Eurodisney a enregistré la plus grosse déconvenue. Il n'a réussi à developper en 20 ans que 75000 mètres carrés de bureaux, sur les 700 000 que la firme envisageait. Une étude dressant le bilan de la convention note d'ailleurs que les programmes de bureaux ont sans doute été victimes du choix d'une architecture haussmannienne mal adaptée à cette activité. Le pastiche n'est pas toujours une bonne idée.

Désormais, l'Etat et Disney négocient une nouvelle convention. Cette fois-ci, l'avenir est clairement dans un projet urbain, Villages Nature, développé avec Pierre et Vacances, sorte de station balnéaire écologique avec des vrais habitants dedans. Personne n'a intérêt à ce que Disneyland Paris aille mal, ce qui ne semble pas être probable. Mais la deuxième convention et le nouveau projet, devront solidifier la maison mère Eurodisney SCA, ce qui sera moins simple. Les enquêtes publiques des Villages nature sont en cours et le projet est explorable ici.

 

 

Article de Libération du 12/04/2012

 

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